Urgences en recrutement (témoignage fiction inspiré de faits réels)

Il était une fois urgences en recrutement à l’hôpital universitaire de Cook County de Paname.

Du matin au soir déferlent des urgences diverses et variées, des patients qui s’agacent au comptoir car ils n’ont toujours pas sous le coude leurs moutons à 5 pattes, génétiquement modifiés, ou le petit junior qui vient de sortir du ventre de maman.

Ce petit dernier marche à peine qu’il veut déjà des bottes de sept lieues. Le patient adore ce profil. Il lui en demande beaucoup pour sa jeune expérience, du café à servir jusqu’à la création d’une archi micro services. D’ailleurs, le patient pourrait les accoucher lui-même avec un peu d’effort, d’imagination et du temps de formation. Mais il préfère revenir régulièrement en exigeant de repartir avec son nouveau-né propre et emballé.

Capture d’écran 2019-04-10 à 11.47.46

A longueur de journée ça gueule en salle d’attente ! Ces patients ne sont pas toujours très patients. Ils attendent seulement depuis quelques heures, qu’ils soupirent déjà. Pour ceux qui attendent depuis des mois, ils n’ont toujours pas trouvé de solution médicamenteuse alternative comme l’embauche de freelances ou de profils à faire monter en compétences. En fait, il n’y a plus d’urgence mais ils sont toujours là.

Ces génériques seraient pourtant parfaits pour eux. Mais, il y a des blocages psychologiques. Ils n’ont pas confiance, et selon eux, ça coûte cher. Les traitements efficaces coûtent toujours très chers… Les gars arrivent en nous disant qu’ils vont crever mais finalement ils vont prendre bien le temps de la réflexion pour se soigner. On leur dit pourtant que ça a le même effet voire un meilleur effet avec une prise en charge tôt de leurs problèmes. Le temps est vraiment le nerf de la guerre quand il faut soigner les gens.

Ces patients dépensent une énergie folle (et beaucoup d’argent) à attendre le Messie en recrutement, à soigner leur image extérieure avec du botox, alors qu’il faut opérer. Beaucoup devraient se soigner en profondeur avant d’aller chercher des solutions ailleurs et attendre passivement en salle d’attente.

Alors, nous médecins du recrutement, on les comprend et en même temps, on ne les comprend pas. Leurs petites entreprises risquent de connaître la crise… Aussi beaucoup se disent médecin du recrutement alors qu’ils sont juste capables de prescrire du Doliprane et faire une petite piqûre dans la fesse gauche du patient. Ils font de l’abattage. Ils ne retiennent jamais le prénom des patients et des candidats et ils se trompent systématiquement. L’unité a fini, d’ailleurs, par mettre en place un système pour appeler les patients avec un numéro. La Direction prennent ces médecins recruteurs tels des robots avec aucune once d’intelligence de situation ni d’empathie. C’est peut-être une première étape vers le progrès…

infirmier-robot

Aussi, comble de l’ironie, se pointent, dans cette même salle d’attente, des urgences candidats, des candidats qui clament leur disponibilité, leurs compétences. Il pourrait y avoir match mais ils ne se parlent pas. Les patients les voient comme des parcours cassés, des « persona non grata » en entreprise. Ils ont les mêmes problèmes et pourraient prendre le temps de se connaître. Mais non. Rien y fait. Quelle erreur !

20400-xlarge

Au quotidien, les médecins recruteurs se pressent, se bousculent dans les couloirs. Ils sont sous l’eau. Se font des checks à la pause café en se souhaitant bon courage ! Sur la pause dej, il y a toujours des patients, des candidats pas contents. Il reste sur la table quelques miettes d’un sandwich enfilé en moins de 20 minutes. Le soir, l’horloge affiche 21h et il y a encore du monde. Peut-être qu’un jour existera le principe d’astreintes… Nous faisons, à la demande de la Direction, des chirurgies de CV pour plâtrer les trous.

Lorsque ce cas clinique se manifeste, nous appelons Docteur John Carter, commercial en chef de l’unité chirurgie plastique, pour maquiller les imperfections. En plus d’être plutôt beau gosse, il a des doigts de fée le bonhomme. Les patients l’adorent !

Carter

Docteur Doug Ross, quant à lui, met des petits coups de pression en coulisse. Mais en façade, il a toujours le sourire pour servir un bon café. Les patients l’adorent aussi ! Nous, un peu moins. Il nous crie dessus en disant qu’il y a trop de monde qui attendent leurs putains de candidats. Nous nous efforçons de lui dire « il y a des chirurgies plus longues que d’autres Docteur ! Les patients arrivent. Nous ne connaissons pas leurs problèmes. Il faut qu’on établisse un diagnostic. Parfois, tout converge vers un résultat mais finalement on se trompe de combat et on repart de zéro ». Mais il s’en cogne. Il faut que son unité soit efficace, productive, une cash machine. Il y a parfois beaucoup de négligence dans le traitement des individus. Il en oublie qu’on gère des vies humaines bordel.

george-clooney_387a09167432bfc2ed158ea9f90a91ea121239a4

Des fois, se pointe Docteur House. Le gars, on lui a rien demandé. Il vient d’un autre hôpital mais il semblerait que ça soit un super coach. Il nous met des tatanes avec sa canne, nous parle mal. Il est payé pour ça en même temps.

hugh laurie

Aussi, une petite anecdote candidat que j’aimerais vous partager. Nous pensions une fois que c’était un très bon candidat. Il est arrivé sûr de lui. Il avait plusieurs étoiles sur ses projets techniques telle une instagrameuse de Github. Il en savait plus que le médecin, donnait les protocoles de guérison. Puis, il est passé sur la table à secousse de l’entretien technique et est reparti en civière…. Il n’a pas supporté le choc malgré le travail psychologique en amont et la perfusion de mots-clés. Il en a bouffé pourtant. On lui a dit que c’était « bon pour sa santé professionnelle ». C’est typiquement la phrase que pourrait dire Doctor Doug Ross. « Il faut des mots compliqués, ça fait stylé ! Mettez-moi des mots tendance, des trucs qui brillent les gars ». Mais beaucoup de candidats oublient que cela a l’effet placebo, voire boulimique si ces mots-clés ne sont pas digérés et maîtrisés.

Le Monsieur de la salle d’attente qui s’appelle « leader sur son marché » (il n’a pas voulu donner son nom le con) n’a pas supporté de voir son candidat repartir en civière. Il a gueulé sur le responsable en chef des évaluations techniques, plus communément appelé le charcutier dans le service. Il lui a dit qu’il fallait aller plus en douceur, que c’était l’unique candidat qui répondait à la greffe d’entreprise (une greffe au passage vraiment pas simple avec un risque fort d’incompatibilité salariale et managériale). Et oui certaines entreprises ont vraiment un problème d’ADN… Il a tapé du poing sur la table, est devenu tout rouge, et a fini en PLS dans la salle d’attente. Il a fallu l’amener en réanimation.

100075 (1)

Dans ces moments là, nous faisons venir des spécialistes de la communication, ces gens qui donnent de la morphine en mots pour calmer la douleur. Il a repris ses idées le Monsieur « Leader sur son marché ». C’était la période de Noël. Il a eu droit à sa boite de chocolats offerte par tout le service ! C’était une idée du Chief Happiness Officer, communément appelé le « clown médecin qui fait du bien »

Funny clown doctor isolated on the white background

Il y a aussi la salle de réveil candidats au moment de l’intégration. C’est parfois un moment douloureux. Les néons au-dessus de la tête sont bien moins lumineux que le discours commercial et la plaquette de présentation de l’entreprise. L’anesthésie cérébrale a été longue. Forcément le retour à la réalité fait mal. Puis, quand la greffe ne prend pas, le patient revient, inlassablement, occultant les erreurs passées, oubliant qu’il n’a pas suivi les prescriptions médicales et accusant, inévitablement, l’inefficacité des médicaments du médecin recruteur.

Bref, voilà, c’était une journée comme une autre aux urgences de recrutement

To be continued dans le prochain épisode…

Shirley Almosni Chiche

Un commentaire

Laisser un commentaire