Nous sommes le « Meetic du recrutement »

Comme je le dis assez souvent, nous sommes le « Meetic du recrutement » et les cabinets de recrutement ne cessent d’employer des expressions qui abondent dans ce sens : « Il faut que ça match entre le candidat et le recruteur », « j’ai besoin de vous connaître pour avoir les bons arguments de séduction », « ça fonctionne au coup de cœur, au feeling» et nous transmettons des short-list de candidats pour augmenter les statistiques d’affinités. C’est d’ailleurs le pari lancé par eHarmony, le «number one» des sites de rencontres aux Etats-Unis, qui s’est positionné sur le recrutement  «par affinités» en se basant sur l’analyse algorithmique des données. Il existe aussi Gild, une start-up américaine, qui déniche les meilleurs développeurs en analysant la popularité et l’impact des contributions postées sur les forums de geeks

Cependant, la seule différence avec les sites de rencontres c’est que les personnes que nous mettons en contact avec les entreprises ne sont pas toujours « célibataires », ne sont pas en recherche active d’une nouvelle opportunité professionnelle. En effet, les potentiels candidats sont déjà en poste. Notre rôle est donc de les pousser à l’infidélité. Nous sommes plutôt le  « Gleeden  du recrutement » !

Ainsi, comment distingue t’on un « Meetic du recrutement »  d’un « Gleeden du recrutement » ?

Les « Meetic du recrutement » ont un vivier de candidats à l’écoute du marché. Ils utilisent les ingrédients déjà à disposition pour que la sauce prenne. Les « Gleeden du recrutement » prennent des risques en utilisant des outils d’approche très spécifiques ou en appelant directement sur le lieu de travail un collaborateur bien « marié » à son entreprise pour le pousser à la réflexion sur son avenir professionnel, pour le sortir de sa zone de confort. La tâche est complexe et délicate car cela ne rentre pas toujours dans le scope de valeurs des personnes approchées: sensation d’intrusion dans le vie privée, premier pas vers l’infidélité à leur entreprise etc. D’autres, sont cependant très flattés d’être chassés sans faire le moindre effort, en restant bien au chauds à leur poste, en suscitant leur intérêt pour une opportunité à laquelle ils n’avaient pas pensée. Chacun réagit différemment mais le seul point commun : l’impression d’être unique. Ils se demandent pourquoi ils ont été la cible pour ce poste et non leur collègue qui travaille à côté d’eux. Ils se disent que le poste doit-être vraiment exceptionnel ou sur-mesure pour prendre un tel  risque…Certains cabinets de recrutement font les deux: chasse dans le dur et exploitation de viviers de candidats existants.

Cependant, le chasseur de tête doit rester discret et ne pas tirer dans tous les sens au risque de fuir les bons éléments, lassés des approches agressives et intrusives. Par ailleurs, certains cabinets de chasse peuvent aussi se retrouver rapidement « black-listés » quand ils appellent en même temps toutes les personnes d’un même service et cela remonte très souvent à la direction de l’entreprise approchée .

Par ailleurs, un bon chasseur de tête n’est pas seulement une personne qui a bien identifié sa cible pour tel client mais aussi une personne qui connaît parfaitement ses candidats et ses clients, qui est capable de créer ou d’anticiper leurs besoins, d’entretenir leur confiance sur le long terme en les suivant au quotidien et d’avoir immédiatement les bons réflexes de chasse quand le besoin se manifeste. Nous sommes plus que des entremetteurs. Nous sommes des brokers de compétences et de personnalités.

Même si nous évoluons dans une société qui n’a aucun complexe à faire l’éloge de l’infidélité, du jetable (« changez de téléphone, de télé, de machine à laver, de maison, de voiture etc ») et de l’individualisme (« Acheter Radin sur PriceMinister », « Demandez plus à votre argent » chez LCL etc), ce sont des principes qui restent encore tabous ou peu appliqués dans le monde du travail. En effet, il est mal vu de parler d’argent, de dire que l’on cherche ailleurs, de donner des signes de désamour et ce surtout dans les Grands Groupes. Les personnes sont mal à l’aise quand ils se font chasser en open space. Même si on ne cesse de parler de changement, de nouvelles aventures, de nouveaux départs dans la vie de tous les jours, dans le monde du travail, les salariés n’ont pas toujours envie d’aller voir ailleurs surtout en période de crise. Par ailleurs, les salariés et ce bien plus que l’on imagine, sont bien dans leur travail, aiment leur entreprise, et leur métier. 73% des français déclarent aimer leur entreprise. Un score en constante augmentation depuis 2 ans. Les salariés s’avouent plus satisfaits au travail, avoir de meilleures relations avec leurs collègues ou encore apprécier l’ambiance du bureau. Le salaire ne vient qu’en 4ème position. Ce qui est plutôt rassurant. C’est le résultat du sondage  » J’aime ma boîte – Opinion Way  » édité à l’occasion du 10anniversaire de la Fête des Entreprises en octobre 2013.

Ainsi si votre collaborateur décide de partir c’est tout simplement parce que «l’infidélité s’installe quand l’amour s’estompe… » mais aussi à cause d’un (ou grâce à un) ensemble de cabinets de chasse qui profitent de ce désamour (avec ou sans votre consentement), qui jouent le service après-vente des maux de cœur professionnels en créant de nouveaux coups de foudre avec garantie de remplacement quand le courant passe mal.

Shirley Almosni Chiche

 

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